Prédire l'avenir : telle est l'ambition du National Intelligence Council (NIC), la branche publique de la CIA, qui, tous les cinq ans, réfléchit à l'état du monde à un horizon de deux décennies. Une première ébauche de son dernier exercice, intitulé "Global Trends 2030", a déjà fait le tour des think tanks de Washington en vue d'une publication au lendemain des élections de novembre.
Ce premier brouillon annonce les révolutions techniques qui risquent de transformer
les relations internationales, de la généralisation des OGM à la
futuriste imprimante 3D en passant par l'amélioration artificielle des
performances cérébrales ou le clonage humain. Le NIC a pris en compte
les critiques sur ses rapports précédents. Cette fois, le document
intègre le caractère évolutif de la puissance américaine dans un monde
en transition.
A l'horizon 2030, le NIC identifie des grandes tendances quasi certaines qui structureront le système international : libération de l'individu (individual empowerment), démographie, dispersion de la puissance (diffusion of power), problématiques d'énergie, d'eau et d'alimentation.
L'impact de l'une ou l'autre de ces constantes est altéré par des
variables-clés, parmi lesquelles l'économie et la gouvernance mondiales,
les conflits armés,
la technologie et, de façon décisive, le rôle des Etats-Unis. Cette
dynamique permet de dégager trois scénarios pour 2030 : "retour en
arrière" (reverse engines), "coopération" (fusion) et "désintégration" (fragmentation).
Ce dernier scénario est, de l'aveu même des auteurs, le plus
probable. Une croissance économique inégalitaire redistribue les cartes
de la puissance. L'Occident s'affaiblit au profit de l'Asie, alors que
la volatilité des marchés et le changement climatique menacent la
stabilité mondiale. Dans ce monde "désintégré", l'absence généralisée de
volonté politique
pour résoudre les problèmes mondiaux marginalise les organisations
multilatérales et accentue le risque de conflits interétatiques. Si des
conflits militaires majeurs - par exemple entre la Chine et les Etats-Unis - peuvent être évités, le monde est constamment au bord du gouffre.
Le scénario "retour en arrière", qui prévoit le retour à un monde "pré-américain", c'est-à-dire à l'instabilité de la première moitié du XXe siècle, n'est pas plus optimiste. Empêtrés dans leurs problèmes budgétaires, les Etats-Unis n'ont plus la capacité de se projeter
sur la scène internationale. D'abord bien accueilli par les pays
émergents, ce retrait est vite source de déséquilibre. Les tensions
ethniques et géopolitiques en Asie et au Moyen-Orient se transforment
rapidement en conflits ouverts, dans un contexte de stagnation
économique mondiale.
L'avenir
à l'horizon 2030 apparaît donc bien sombre. Des trois scénarios de
cette première ébauche des "Global Trends 2030", le seul qui soit
positif brille par son irréalisme. "Coopération" décrit en effet la
naissance d'un monde fraternel, guidé par la Chine et les Etats-Unis,
dont la collaboration sur le plan technologique déclencherait un nouvel
âge d'or pour les relations internationales. Il faut croiser les doigts.
Rémy Dupuis avec Corine Lesnes (Washington, correspondante) SOURCE

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