Siegfried et le dragon Fafnir
Il y avait déjà
bien des saisons que le nain Régin avait recueilli la mère de
Siegfried, Sieglinde, perdue dans cette contrée déserte et sauvage,
juste avant qu'elle ne donne naissance à son fils. Il les avait abrités,
protégés, nourris et, comme un père, il avait donné au jeune homme une
éducation complète, digne des grands guerriers de ce monde. Il lui avait
enseigné l'art du combat, les ruses de la chasse, comment apprivoiser
un chevreuil, dominer des loups ou dompter un ours. Il lui avait trouvé
pour ami et compagnon de tous les instants un fougueux étalon gris.
Un matin, au retour
d'une course lointaine, Siegfried dit à Régin avoir entendu d'étranges
bruits sur la lande, de lointains feulement, sourds et rauques. Le nain
comprit qu'il ne pourrait cacher longtemps la vérité à son protégé : ces
cris sinistres étaient ceux d'un redoutable dragon qui régnait sur la
lande. Ce dragon, nommé Fafnir, veillait sur un fabuleux trésor, dont un
anneau d'or et un heaume magique conférant à ceux qui les possédaient
richesse et immortalité.
Régin mit
solennellement Siegfried en garde : tous ceux qui avaient affronté ce
monstre avaient disparus à tout jamais. Cela ne fit qu'augmenter la
détermination de Siegfried d'affronter le dragon. Régin décida alors de
confier au jeune homme l'épée de son père
Siegmund. L'arme avait été brisée lors d' un terrible et ultime combat
livré par Siegmund avant la naissance de son fils. Régin avait récupéré
l'arme et l'avait réparée. Cette épée étincelante, avant d'être celle du
père de Siegfried, avait appartenue au puissant dieu Wotan. Douée de
pouvoir magique l'arme avait pour nom
Nothung.
Simulant
l'indifférence, Fafnir laissa approcher ses ennemis jusqu'à ce que le
cavalier, descendu de sa monture, fût en mesure de lui assener de
violents coups d'épée. Ces coups glissaient sur ses écailles sans lui
faire bien mal. Mais l'un d'eux, porté sur une articulation, provoqua
une désagréable douleur. Alors saisi d'une effroyable colère, le dragon
prit son souffle et cracha un infernal torrent de flammes. Engloutis par
le brasier, le nain et le cheval furent tués sur le coup. Seul
Siegfried, plus prompt, avait pu reculer à temps.
Fafnir approcha
lentement. Parvenu à faible distance, il décida d'en finir : il prit une
nouvelle fois son souffle. Siegfried concentra alors toute sa volonté
pour invoquer l'aide des dieux. Soudain, de Nothung jaillit un éclair
aveuglant, une lumière intense, insupportable, destructrice qui frappa
le monstre de plein fouet. Foudroyé et aveuglé, Fafnir chancela, lança
plusieurs coups de pattes dans le vide. En vain. Siegfried frappa et
Fafnir s'effondra pour toujours.
Les dieux avaient
aidé Siegfried.
Étourdi de sa victoire, le jeune homme trempa ses lèvres dans le sang
qui maculait Nothung. Aussitôt il sentit une étrange mutation s'opérer
en lui : le langage des oiseaux, qui commentaient sa victoire, lui était
parfaitement compréhensible. Alors Siegfried s'enduisit tout le corps
du sang du dragon
; et à ce contact sa peau commença à s'épaissir, se transformant en un
cuir impénétrable aux armes. Toutefois, sans qu'il le sentît, une
feuille de tilleul vint se coller dans son dos, isolant la peau et
ménageant ainsi un endroit vulnérable.
Ensuite, guidé par
les animaux, Siegfried arriva jusqu'à une île mystérieuse où se trouvait
la walkyrie Brunrhilde. Elle avait été endormie là pour toujours, par
le dieu Wotan, au sommet d' une montagne encerclée de flamme. Siegfried
osa franchir le rideau incandescent et en embrassant Brunehilde sur les
lèvres, lui rendit la vie. Tous deux connurent le bonheur jusqu'au jour
où Siegfried mourut au combat, frappé dans le dos, juste à l'endroit
où la feuille de tilleul s'était posée.
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