dimanche 23 mars 2014

pour une analyse national-révolutionnaire de la crise Ukrainienne

À la lecture des débats passionnés et passionnants qui ont alimenté les blogues et fils des réseaux sociaux de la mouvance ces dernières semaines au sujet de la crise ukrainienne il nous a semblé pertinent de porter à la réflexion des lecteurs du C.N.C. (Cercle non conforme) certains éléments de l’analyse nationale-révolutionnaire.
En effet, on a vu et lu s’affronter avec fougue les tenants d’un voie pro-russe dite « continentale » prenant appui sur une nécessité géopolitique dépassant les visées nationales et les tenants d’une ligne « nationaliste », défendant en premier lieu la volonté des ukrainiens de fonder un État souverain.
Ces deux positions résultent de deux démarches fondées sur un même principe : celui de l’efficacité. Les uns pensent que le renouveau passera par un « grand frère », élément moteur d’une contestation de l’ordre établi – entendez l’ordre américain – aujourd’hui incarné selon eux par la Russie de Poutine. Les autres au contraire, trouvent l’élément d’efficacité dans la vivacité de certains peuples qui refusent l’enfermement impérialiste, les mafias oligarchiques et l’autoritarisme népotique, vivacité aujourd’hui représentée par les nationalistes ukrainiens.
Notons au passage que les deux groupes trouvent leur inspiration à l’Est, c’est-à-dire loin et en dehors du territoire national qui semble-t-il ne remplit plus les conditions minimales, les germes de révolte suffisants à enflammer les consciences. Curieux tout de même à l’examen d’une actualité hexagonale chaque jour plus chargée de contestation et de conflits (certes avec des accents moins jusqu’au-boutistes).
Nous avons donc en somme une position « géopolitico-continentale » sensiblement pro-russe et négatrice des identités dites « mineures » et une position « identitariste » fondant sa fraternité de combat sur les luttes de libération nationale.
Ces deux visions, malgré leurs prétention à l’objectivité et à la scientificité analytique, sont toutes deux partantes d’un certain romantisme impatient qui cherche désespérément une étincelle pouvant allumer rapidement l’incendie libérateur. Pour les uns c’est Poutine, mâle russe aux muscles saillants et au verbe incisif qui incarne l’avant-garde du front du refus à l’impérialisme. Pour les autres, ce sont les peuples non encore trop pollués - Hongrois, Serbes, Ukrainiens et même Russes (nous pourrions ici en citer bien d’autres) – qui personnifient la résistance anti-mondialiste et alter-nationaliste.
Or les partis pris exprimés dans ces deux positions sont fondés sur les opinions, les avis plus ou moins éclairés que se font les uns et les autres des peuples ou leaders dont ils font leur champions.
À ce stade, il est important de rappeler que l’on peut difficilement fonder une politique de long terme sur des opinions et des impressions. Il est donc fondamental de rebâtir un raisonnement reposant sur des principes intangibles, invariants et donc pérennes. Pourquoi ? Simplement pour ne pas oublier qui nous sommes, ce que nous défendons. Pour savoir toujours marquer la limite, pour ne pas devenir ceux que nous supportons, entrer dans la confusion de la puissance, voire devenir les zélés serviteurs aussi dévoués qu’aveuglés.
Pour cela, il est utile de faire ré-émerger la grille d’analyse partagée par la mouvance nationale-révolutionnaire. Fondée sur quelques grands principes, celle-ci présente le double avantage apparemment paradoxal d’une mise à distance des faits et d’un engagement profond pour les causes.
Tout d’abord, redisons-le, les nationaux-révolutionnaires évitent comme la peste le romantisme, fils des Lumières et porteur d’une musique enivrante mais trompeuse. La vie n’est pas un roman, la vie est un combat acharné, une lutte brutale qui demande la mobilisation totale du corps et de l’esprit. L’engagement doit résulter d’un processus décisionnel aussi complet que direct et donc fondé sur une formation et des connaissances profondément labourées. Car sans formation et compréhension logique, étayée du réel, l’engagement se résume vite au bougisme, à la prise de position réflexe, pavlovienne. C’est ce que l’on a pu lire ces derniers temps : « La Russie est contre l’hégémonie américaine, Poutine est pro-syrien et anti-musulman, donc je le soutiens ». Ou encore : « La Russie veut écraser le peuple ukrainien par l’intermédiaire d’oligarchies corrompues, c’est aussi un impérialisme, donc je soutiens les nationalistes ukrainiens ».
Ces deux déductions comportent chacune leur part de vérité mais pèchent par des simplifications idéales, voire idéalisées qui plus ou moins consciemment visent à faire coïncider au mieux les aspirations  rêvées de leurs auteurs avec le réel. La raison en est l’impérieuse nécessité, la puissante attraction du temps. Il faut se positionner vite, choisir tout de suite, montrer le camp auquel on appartient, lever son drapeau et défendre sa position … la plupart du temps d’ailleurs contre un camarade, ce qui frise le non-sens.
Il y a dans cette cavalcade partisane comme un abandon à la modernité dans ce qu’elle a de plus viral : le temps zéro. Toute stratégie, toute philosophie politique, tout militantisme conscient et toute Weltanschauung exprimée ne peut que se fonder sur une temporalité longue. Ceci ne signifie en aucune manière la tergiversation ou une prudence excessive, mais seulement la volonté de résister aux sirènes des propagandes médiatiques croisées, aux rumeurs toujours plus folles, aux engouements aussi séduisants que creux. La civilisation européenne porte en elle cette distance, cette mesure et ce détachement. C’est l’hubris des anciens Grecs, la distance intérieure d’Evola ou de Jünger.
Pas de romantisme donc, pas de démesure non plus. Nécessité aussi de recourir à la longue mémoire, à la temporalité et à la recherche détachée des faits, implications et ressorts cachés d’un phénomène.
Observation, connaissance mais aussi principes.
Et les principes des nationaux-révolutionnaires sont clairs : non-alignement, cause des peuples, méfiance et défiance vis-à-vis des impérialismes, objectifs politiques de puissance, socle européen, préservation des intérêts nationaux français, opposition de l’organique au systémique, rejet de l’occidentalisation du monde, opposition farouche et résolue aux États-Unis comme puissance et culture, lutte contre le marxisme – forme symétriquement consubstantielle du capitalisme,  promotion d’une troisième voie organique solidariste et justicialiste.
Si l’on considère les événements qui secouent l’Ukraine à l’aune des principes évoqués ci-dessus, on peut alors dégager une position claire est positive, une position de principe.
D’abord, reconnaître par le prisme historique que l’Ukraine est une réalité, un ethnos qui cherche à fonder un État-nation. Nation sans État aurait dit Jean Mabire, ardent défenseur de l’Ukraine tout comme Maurice Bardèche [Note d’Europe Maxima : il s’agit en fait de Jacques Benoist-Méchin]. De fait, par-delà les vagues de colonisation et l’occupation du territoire, une majorité d’Ukrainiens (ukrainophones ou russophones) se reconnaissent « de souche » dans les sondages (2001, 2004, 2009 et 2011), à hauteur d’environ 63 % de la population. L’Ukraine existe, au grand malheur de ceux qui la nient. Soutenir le droit du peuple ukrainien à se gouverner en toute indépendance ne relève pas dès lors d’une quelconque forme de romantisme mais au contraire d’un réalisme historiquement étayé.
Ensuite, si l’Ukraine souhaite son indépendance, elle ne peut le faire sans prendre en compte sa minorité russe et celle plus grande des Ukrainiens russifiés. Il appartient donc au peuple ukrainien d’opérer un difficile sursaut patriotique propre à unifier les composantes de son espace.
De même, la Russie, voisin puissant aux tentations inquisitrices, doit faire la démonstration de sa nouvelle politique tant vantée par le Kremlin. Car, si l’on peut saluer les positions courageuses d’un Vladimir Poutine sur certains grands dossiers de politique internationale (on pense ici bien sûr à la Syrie) ou sur de grandes lois de politique intérieure, on ne peut miser inconsidérément sur la Russie comme champion de la multipolarité, du non-alignement. La Russie fait incontestablement contrepoids aux menées américano-sionistes, c’est un fait. Mais son positionnement géographique eurasiatique, sa géopolitique, son histoire et son passé soviétique ne la conduisent absolument pas à la multipolarité mais a un comportement dominant voir hégémonique propre à créer une bipolarisation naturelle entre elle et son opposant de l’Ouest. Dans ce cadre, la Russie « gère » son étranger propre avec un paternalisme parfois pesant et menaçant. Les Baltes, les Bélarussiens et les Ukrainiens en savent quelque chose.
Préserver un non-alignement consiste dès lors à mesurer l’évolution de ces rapports et à propager une option plus contractualiste de ces relations, faite de respect mutuel et d’égalité de traitement. Faute de quoi, on sera amené à considérer la politique russe de proximité comme une forme asymétrique d’impérialisme. La Russie a le choix dans ces dossiers, celui de pouvoir modifier les rapports avec les pays qui l’environnent et préserver des liens privilégiés, sereins et salvateurs. L’autre option, celle du rapport de force conduisant irrémédiablement les pays ex-« satellites » au pire, c’est-à-dire dans les bras de l’ennemi bruxello-américain.
Lequel ennemi est toujours prompt à la destruction, en perpétuelle embuscade, fomentant contre la Russie et l’Europe des pièges, des trappes, des opérations false-flags [sous faux-drapeaux] dans le seul but de déstabiliser une région, des économies, de fragiles équilibres ethniques ou religieux. Bien sûr qu’il est à l’œuvre en Ukraine, cela nous le savons et cela les nationalistes ukrainiens le savent. C’est à eux de jouer contre cet ennemi mortel, notre principal ennemi : l’Amérique. Nous, nous ne pouvons que dénoncer l’ingérence américaine, montrer ses vecteurs d’attaque. Le sort de l’Ukraine ne nous appartient pas.
Ce qui nous appartient en revanche, c’est de poser la question fondamentale qui doit toujours être « en quoi cela sert-il les intérêts de l’Europe, de la France ? ».
Car si l’on peut dénoncer sans ambages l’hydre étatsunienne et reconnaître le caractère naturellement plus engageant – au moins en surface – de la politique russe ; c’est un pari dangereux que de consacrer la Russie alliée et protectrice de l’Europe, voire partie de cette Europe.
D’abord parce que le régime russe ne se prévaut pas d’une lutte acharnée contre le capitalisme et le libéralisme, fondant ainsi un modèle autoritaro-libéral assez semblable à ce que produit la Chine (ce qui conduit également à la répression en Russie de mouvements nationaux-révolutionnaires et nationalistes autonomes).
Ensuite parce que les Russes eux-mêmes ne se définissent pas Européens mais « Russes », tenant à cette particularité réelle et observable.
Enfin, parce que la doctrine de l’eurasisme implique l’hégémonie de l’imperium russe et l’extension de la vision continentale à sa partie asiatique. En tant qu’Européens, cette vision séduisante en surface, recèle d’un péril mortel. Celui de la dépossession de l’héritage gréco-romain et chrétien au profit d’un socle plus asiato-centré et donc immanquablement concurrent en terme de vision du monde.
La Russie a son destin, un grand destin. En tant qu’Européens, nous devons le soutenir tout comme nous devons soutenir la recherche d’un partenariat privilégié avec Moscou. Mais il nous reste un destin à accomplir le nôtre, celui de l’Europe.
Car l’Europe est certes en bien mauvaise posture, gangrenée par l’occidentalisation rampante, par les supplétifs de Washington aux commandes à Bruxelles, par l’invasion de masse en provenance d’Afrique et d’Orient (proche ou lointain), par le rachat de son économie par les pétromonarchies …
Mais l’Europe est notre berceau, notre socle et notre espace géopolitique, culturel et ethnique naturel de combat. Nous ne pouvons déroger à notre destin en cherchant ailleurs l’homme providentiel, le pays-phare qui réalisera au loin ce que semble-t-il nous sommes incapables de générer ici. Et c’est précisément parce que nous sommes conscients des limites des modèles, que nous avons l’impérieux devoir de bâtir le nôtre. Les nationalistes ukrainiens, en particulier ceux du Pravyi Sektor (le « Secteur Droit de la place Maïdan ») se revendiquent européens et proposent un programme de Reconquista très semblable à celui que nous formulons. En ce sens, on peut dire que leur action a quelque chose de vivifiant, comme un coup de fouet dans le champ du possible.
Il est donc temps de dépassionner le débat sur la crise ukrainienne, de cesser de l’essentialiser, de le ramener à ses dimensions réelles qui sont celles de nos intérêts propres.
Saluons la vitalité renaissante de la Russie, saluons également le courage et la ténacité des nationalistes radicaux ukrainiens qui ont impulsé une révolte du peuple contre l’oligarchie corrompue nous montrant par-là la direction à suivre.
Et surtout ne perdons pas de temps à gloser infiniment sur les mérites de telle ou telle alliance hypothétique, tel ou tel allié – leader fantasmé. Nous y perdons beaucoup d’énergie, sans parler des facteurs éventuels de divisions, de nouvelles fractures que nous créons par nos prises de positions extrêmes. Il est pourtant vital pour notre survie et à long terme pour le développement de nos idées que nous soyons enfin capables d’exprimer une troisième voie géopolitique fondée sur nos intérêts propre, ceux de l’Europe que nous voulons, ceux de la France que nous aimons.
Revenons donc au réel, revenons à nos principes.
Arnaud de Robert pour le Cercle non conforme

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