mercredi 31 octobre 2012

La filière porcine française menacée


La filière porcine française dans l'étau allemand
Les uns après les autres, les principaux bastions de l'élevage de porc, en Europe, mettent un genou à terre. Les Danois ont d'abord cédé. C'est au tour des Français. En dix ans, les Allemands ont réussi à imposer leur règle de jeu. Déficitaires en viande porcine après la réunification allemande, ils exportent désormais leur charcuterie dans tous les pays de l'Union européenne. Et sont déjà au rendez-vous des consommateurs chinois. Ils profitent de leur position géographique et de l'absence de convention collective dans le secteur de la viande. Les abattoirs allemands bénéficient d'une main-d'oeuvre venue de Pologne, de Hongrie ou d'Ukraine, et payée à des salaires sans rapport avec ceux qui s'appliquent en France. « Dans une filière où la main-d'oeuvre représente 80 % des coûts de transformation, cela crée un écart de compétitivité de 5 € par porc au détriment des abattoirs français », s'alarme Michel Bloc'h, président de l'Union des groupements de producteurs de viande de Bretagne (UGPV).
Face à des géants
Les abattoirs allemands ont mis en place des outils industriels qui jouent sur les économies d'échelle. Situés au coeur de l'Europe, ils ont imposé un partage des tâches à leurs voisins. Les éleveurs danois et hollandais se spécialisent dans le naissage. À charge pour les éleveurs allemands d'assurer l'engraissement. Le groupe Tönnies Fleisch, numéro un de l'abattage voit passer dans ses chaînes 16 millions de porcs chaque année. Cooperl Arc Atlantique, le leader français arrive loin derrière avec 5 millions de porcs.
Recul de la production
Depuis plusieurs mois, la filière viande bruisse de rumeurs. Les chiffres ne sont pas bons. À la fin de l'année, la production française devrait avoir baissé de 3 %, soit 750 000 porcs en moins. Une tendance appelée à se poursuivre avec un recul qui pourrait se situer entre 5 % et 6 %, en 2013.
Plusieurs milliers d'emplois menacés
Dans cette bataille entre bassins de production, l'Ouest a beaucoup à perdre. À elle seule, la Bretagne emploie 20 000 salariés dans le secteur des abattoirs et de la découpe. Selon Emmanuel Commault, directeur de général de Cooperl Arc Atlantique, « il y aurait un voire deux abattoirs de trop dans l'Ouest ». Jean-Michel Serres, président de la Fédération nationale porcine, partage cette analyse et craint « une catastrophe industrielle ».
Le défi de la mise aux normes
L'affaiblissement de la filière française s'explique aussi par une succession d'années difficiles pour les éleveurs. La hausse continue du cours des céréales les étrangle. Ils n'arrivent pas à répercuter cette hausse. S'y ajoute la nécessité pour les élevages de se mettre aux normes bien-être animal imposées par l'Europe à partir du 1er janvier 2013. 20 % des éleveurs pourraient ne pas passer le cap.
Un plan de relance en janvier
Depuis des mois, les professionnels de la filière porcine tirent la sonnette d'alarme. Hier, à Paris, le gouvernement s'est engagé à présenter, fin janvier, un plan stratégique pour relancer ce secteur. Il s'articulera autour de quatre thématiques jugées prioritaires : la restructuration du secteur abattage-découpe, l'industrie de la charcuterie, la valorisation de la production associée à l'export et enfin les difficultés des éleveurs. Deux défis essentiels sont au coeur de ce dossier : la nécessité pour la filière porcine de jouer plus collectif et à gagner en valeur ajoutée. Pour les volumes, les Français ne sont plus dans la course. La préservation de plusieurs milliers d'emplois est à ce prix.

Patrice MOYON. Ouest france

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