lundi 14 juillet 2014

Face au bras de fer mondial



G.-A. Amaudruz

par G.-A. Amaudruz


Les problèmes politiques modernes dépassent de beaucoup, parce que négligés, les capaci­tés disponibles pour les résoudre. La survie des communautés humaines dépend d’op­­tions à très long terme, excédant les moyens d’une génération qui, le plus souvent, n’arrive même pas à résoudre les défis de l’année en cours. Les naufragés, sur une île déserte, s’entendront mieux que les milliers d’égarés actuels…

Et pourtant, la seule certitude, c’est l’incertitude d’un monde déboussolé. Ceux qui pourraient ne savent pas, et ceux qui savent ne peuvent pas; d’où le problème. Celui-ci consiste avant tout dans une aggravation permanente face à l’insuffisance des remèdes.

Ce que nous constatons: le progrès technique, appelé civilisation, consiste à remplacer une tech­nique, pénible ou onéreuse, par une autre, aisée ou moins coûteuse. Et l’on observe: tout pro­grès technique se double d’une régression plus ou moins visible. Le chauf­fa­ge central, entre au­tres inconvénients, fait perdre l’habileté à utiliser les fourneaux tra­di­tionnels. A un moment don­né, le «progrès» s’emballe et des machines encore neuves vont à la casse, dépassées par un progrès plus grand, avant même d’être amorties. Il en est ainsi de la machine à écrire mé­ca­nique, remplacée d’abord par la machine électrique, puis très vite déclassée par les systè­mes de traitement de texte informatisé. Ceci concerne une multitude d’autres inventions, aus­si­tôt démodées, à peine mises sur le marché. Le bilan global est désastreux, mais cela pousse à la consommation.

Ce processus, à côté de beaucoup d’autres, contribue à la chute brutale des civilisations, sur­venant le plus souvent juste après leur apogée. Jusqu’ici, aucun remède: les civilisations, mor­telles, naissent et meurent, sans que l’on puisse intervenir autrement qu’en multipliant les ef­­­fets d’annonce et les réformes virtuelles: un constat sans appel d’im­puis­sance, d’autant plus in­quiétant que notre siècle, quant à lui, a pleinement conscience des enjeux.

Qu’y faire? Problème! Et par où commencer? Seule solution: mieux étudier les questions, dé­fi­nir les mots, proposer des remèdes. Mais alors, le premier postulat, c’est éta­blir ou rétablir la li­bre expression. L’actualité montre que voilà un travail de Sisyphe, indispensable pourtant. Au­trement dit, la solution dépend de l’inspiration d’un homme et de l’aide de quelques-uns, avant de se propager en fonction de l’efficacité de la méthode. L’a­venir sera toujours aux quel­ques-uns qui ne désespèrent jamais.

Pour que cela soit possible, il faut d’abord rétablir la liberté d’expression. Or l’épreuve des faits a montré que rétablir celle-ci est un labeur ingrat et de longue haleine. Difficile d’espérer sans entreprendre et sans persévérer! Des amis, des camarades, ont essayé de trou­ver un re­mè­de à la décadence; mais la rançon qu’exige la «civilisation» est un banco qui double aussitôt qu’on arrive à rassembler la mise, et ainsi de suite… Le problème est pla­né­taire, et pourtant sa solution, si elle existe, réside avant tout en nous-mêmes. Le destin nous accordera peut-être encore quelques années, voire quelques décennies, mais il serait présomptueux de compter sur une trop grande miséricorde de sa part.

La machine «humanité», hors contrôle, s’est emballée! Il semble même vain de tenter de con­­jurer la menace que présente la civilisation du progrès: il y a certainement mieux à faire qu’à employer son temps et son énergie à boucher des trous que d’autres s’empressent de creu­ser.

Dans l’incertitude, les événements à venir joueront un rôle sélectif et donc décisif. Pour les peu­ples qui en subiront l’épreuve, l’alternative est simple et le résultat sera sans ap­pel: survie ou disparition.

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