Voici un article paru sur fr.rian.ru :
Les consultations à huit clos du Conseil de sécurité des Nations unies concernant l’escalade de la tension dans la province du Kosovo, qui a proclamé en 2008 son indépendance de Belgrade, se sont achevées à New York vendredi matin sur fond de débats continus sur le contrôle de la frontière administrative entre la Serbie et le Kosovo. Belgrade a exigé une réunion d’urgence du Conseil de sécurité suite aux affrontements armés sanglants survenus le mercredi 27 juillet entre la population serbe et les forces spéciales des Albanais du Kosovo à la frontière entre l’Etat autoproclamé et la Serbie. Les troupes d’assaut des Services de police du Kosovo (KPS) ont tenté de s’emparer de deux points de contrôle à la frontière entre le Kosovo et la Serbie, Jarinje et Brnjak. Les Serbes locaux armés ont repoussé les troupes d’élite de Brnjak et ont mis le feu au poste. Actuellement, les deux passages administratifs sont sous contrôle de la KFOR et de la mission européenne de police et de justice (EULEX).
Les frontières, question de vie ou de mort
Les noms Jarinje et Brnjak ne disent rien aux profanes. Et le sens de ces affrontements violents, les premiers d’une telle ampleur depuis la proclamation de l’indépendance unilatérale en février 2008 par les Albanais du Kosovo, est peu compréhensible. Mais ceux qui vivent dans les communautés serbes du Nord du Kosovo savent parfaitement pour quoi ils se sont battus: il ne s’agit pas seulement de la transmission du contrôle de la frontière et de la douane d’un gouvernement à un autre. C’est une question de survie et d’avenir.
Brnjak et Jarinje étaient les principales portes continuant à relier les Serbes du Kosovo du Nord (le nord du Kosovo comporte près de 66.000 Serbes sur environ 110.000 restés dans la région, qui représentent près de 5% de la population du Kosovo peuplé à 95% d’Albanais) avec la Serbie. Tout vient de Serbie : les produits alimentaires, les produits ménagers, l’électricité, les colis des proches, les transferts d’argent. Cette région du Nord, s’étendant sur plusieurs centaines de kilomètres carrés, est une sorte d’archipel serbe autonome au sein du Kosovo albanais (à l’exception d’une petite enclave au Sud et d’enclaves minuscules dans d’autres régions). Pristina n’y est pas reconnu et il n’existe aucun lien avec son gouvernement. Des autorités autonomes locales sont en place. La prise du contrôle de la frontière par les forces spéciales albanaises reviendrait littéralement à couper les artères qui relient avec le Sud de la Serbie.
C’est en utilisant la même méthode, par l’embargo et la fermeture des frontières, que Chisinau et Kiev avaient tenté d’ »écraser » la Transnistrie moldave en 2006.
La semaine dernière, les autorités centrales albanaises de Pristina ont instauré l’embargo sur les fournitures de produits serbes dans le Nord. S’efforçant de l’appuyer par des mesures concrètes, elles ont tenté de prendre le contrôle des postes frontaliers.
Il convient de noter qu’aucune force du gouvernement central kosovar ne doit se trouver sur la frontière dans cette région. Selon l’entente avec la KFOR et l’EULEX, la protection des frontières relève de leurs compétences. De plus, les policiers serbes travaillent ici. Toutes les actions des autorités centrales doivent être concertées avec les forces de l’OTAN et la mission européenne. Chose qui n’a pas été faite.
Le premier ministre du Kosovo Hashim Thaçi a en fait essayé de mener une opération secrète pour investir la partie serbe de la frontière. Même les Etats-Unis et l’Union européenne ont exprimé leur stupéfaction concernant ces actions et ont rappelé une nouvelle fois que tous les déplacements policiers devaient être convenus préalablement avec les « garants » de l’indépendance du Kosovo.
Hashim Thaçi a justifié les actions de Pristina en expliquant que la frontière avec la Serbie était devenue un « trou noir » non seulement pour le Kosovo, mais également pour toute l’Europe, en faisant allusion au trafic d’armes en provenance de Serbie. Il est étonnant d’entendre ce genre de propos de la part d’un chef des dissidents kosovars connu comme un caïd de la mafia kosovare bien avant les bombardements de l’OTAN, et qui au cours des derniers mois a dû
« nier catégoriquement » à plusieurs reprises les accusations de l’APCE (Assemblée parlementaire du Conseil de l’Europe) et de la mission européenne au Kosovo. Au début de l’année, l’EULEX a ouvert une enquête suite à des accusations concernant l’implication de l’Armée de libération du Kosovo (UCK) dans le trafic d’organes humains. Dans un rapport de l’APCE, l’unité de l’UCK commandée par M. Thaçi, est accusé de crime organisé, y compris de contrebande.
Les événements actuels à Jarinje et à Brnjak font intégralement partie de la campagne silencieuse d’expulsion des Serbes des régions où ils vivent et qu’ils refusent de quitter. Depuis trois ans déjà Pristina élargit progressivement le « secteur albanais » dans les anciennes régions serbes. Les Albanais y reçoivent des terrains et des prêts préférentiels pour la construction des maisons. On assiste à une « invasion ethnique » des territoires.
L’archipel des condamnés
Le Conseil de sécurité des Nations unies prendra probablement une décision et appellera les parties de trouver un terrain d’entente et ne pas agit sans réfléchir.
Mais quoi qu’il en soit, l’avenir des Serbes au Nord semble être très pessimiste. Personne ne soutient leur volonté de séparer du Kosovo les trois communautés serbes du Nord et d’adhérer à la « mère Serbie » – ce serait un précédent dangereux.
Les capacités du président serbe Boris Tadic d’influer sur les événements sont très limitées. Qui plus est, par lui-même. Et tout ce qu’il pourrait faire serait de condamner les actions de Pristina auprès de l’ONU.
Tadic a annoncé depuis longtemps que la priorité politique de Belgrade était d’adhérer à l’Union européenne. Bruxelles a posé ses conditions en exigeant un « comportement civilisé » de la Serbie et le règlement de la situation avec le Kosovo.
On pourrait discuter ad vitam aeternam pour savoir si ces actions sont justes ou non, s’il est pro-occidental ou non, s’il tient aux Serbes du Kosovo ou est prêt à les trahir, mais en laissant de côté les émotions, force est de constater que Tadic n’a aucune marge de manœuvre.
Compte tenu de la situation économique déplorable de la Serbie, sans l’aide de l’UE Belgrade n’aurait rien à espérer à l’avenir. Son avenir dépourvu
d’ « alternative européenne » paraît très sombre – une sorte de mélange de rebut politique et économique parmi ses anciens frères et sœurs yougoslaves ayant déjà adhéré à l’UE et à l’OTAN ou sur le point de le faire. La Serbie n’a personne sur qui compter.
Hashim Tadic a déclaré que Pristina arriverait à prendre le contrôle de ses « frontières ». Il semblerait que des temps difficiles attendent la population serbe du Kosovo.
http://www.contre-info.com/nouvelles-des-serbes-du-kosovo#more-13844
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